Je ne suis pas certain comment c’est arrivé, mais je semble être sur le point d’atterrir en France. Je vous écris de l’avion, qui se dandine un peu en ce moment alors qu’il amorce sa descente vers Paris. Le bout d’aile et le coin de ciel que j’arrive à voir de mon siège sont d’une sorte de bleu nacré, délicat. Il y a vingt minutes, pas plus, j’aurais qualifié cette vision d’irréelle, mais il y a dans ces couleurs et dans la lumière solaire une sorte de persuasion douce: oui, oui, c’est réel… J’ai bu mon café et de ce fait embarqué dans cette fiction que nous propose l’équipage, à savoir que nous avons atteint un bon moment de la journée pour déjeuner et nous adonner à des activités matinales. Au diable mon horloge interne: d’accord, c’est le matin, d’accord, tout est normal.
C’était pas vrai, ce que je vous disais au début. Je sais comment je suis arrivé ici. Ce n’est pas la première fois, j’ai compris comment ça fonctionne. Mon éditeur veut que je participe aux Utopiales — festival international de science-fiction — pour présenter mon dernier roman aux Français. Je ne vais surtout pas le contredire. Simplement, tout jusqu’ici me faisait un peu l’effet d’un tapis roulant, inexorable, chaque étape me déposant dans la suivante et jusque dans la zone internationale de l’aéroport dont on ne peut revenir, dont on n’est censé sortir qu’en poursuivant la fuite vers l’avant jusque dans l’avion, jusque sur un autre continent.
Voilà combien j’aime la littérature. Assez pour changer de continent.
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