Ce billet a paru à l’origine sur le blogue Fractale Framboise et est reproduit ici à peu près tel quel (au plus, j’ai mis à jour certains liens ou corrigé une faute). Notez bien la date de publication ci-dessus: il se peut que certaines des informations présentées dans le texte ne soient plus très actuelles, même si le fond demeure pertinent.
Il y avait longtemps que je n’avais pas passé huit heures dans un aéroport. Cette fois-ci, c’était à l’aéroport de Québec, tout neuf et propre. La musique laissait à désirer, mais c’est la norme dans les aéroports. Je vivais l’entre-deux-salons-du-livre: celui de Québec était terminé, mon vol matinal pour Sept-Îles était annulé pour cause de pluie et de brouillard et j’attendais dans l’espoir que celui de l’après-midi parte comme prévu. Je me suis assis à table dans la zone restaurant avec mon fidèle cahier d’écriture, au cas où une idée géniale daignerait me visiter. Pas sûr si elle était au rendez-vous. J’ai noté une ou deux idées, mais il faudra du temps avant de savoir ce qu’elles valent vraiment.
Je ne me plains pas: j’ai pu écrire. Il en va des salons du livre comme des congrès de science-fiction: on passe des jours à célébrer le livre et l’écriture, et on n’écrit pas une ligne. Enfin, c’est mon cas. Un confrère me disait qu’il écrit tôt le matin et que ça lui réussit bien. Peut-être y arriverai-je la prochaine fois…
Québec
Le salon à Québec était bien: assez vaste et aéré, achalandé mais pas aussi effarant que celui de Montréal. C’était juste un peu effrayant de voir comment l’allée devant notre stand se vidait par moments — le samedi soir surtout, à cause du temps splendide et du match des Canadiens. J’ai trouvé le temps de flâner un peu: entre autres rencontres, j’ai eu l’occasion de discuter édition avec Mathieu Fortin; d’être attaqué sauvagement par derrière par la progéniture de Pierre-Luc Lafrance; de rencontrer Frédérick Durand dont j’attendais le prochain livre et qui a fini par en publier vingt-cinq en même temps; de remercier Jacques Lamontagne pour la couverture de mon roman. Dany Laferrière a pris le temps de s’arrêter à ma table de signature pour discuter un brin, et j’ai trouvé une foule de choses intéressantes à lui dire… après qu’il soit reparti.
Mon roman s’est assez bien vendu, en partie grâce à ma présence et mon charme (quel qu’il soit), mais surtout grâce à l’équipe d’Alire. Je continue à calibrer mon radar: j’espère encore en arriver au point où je saurai repérer mes futurs lecteurs alors qu’ils s’engagent à peine dans l’allée. Il s’agit aussi de trouver les mots pour attirer et convaincre chacun: dire à certains que mon livre est sombre et horrible, dire à d’autres qu’il n’est pas trop horrible pour autant, rassurer certains en leur disant que ce n’est pas une série, mais ne pas insister pour les autres qui préfèrent les séries… Choisir quels aspects mettre de l’avant sans mentir pour autant, vanter le livre sans trop me vanter moi-même: vendre est un tout autre art.
J’ai tenté une nouvelle expérience: composer des fictions ultra-courtes pour les écrire à l’endos des signets que j’offre aux acheteurs — et les publier ensuite sur mon compte Twitter. Bilan: j’en ai écrit exactement une. Il vaudra mieux que je les compose à l’avance, la prochaine fois…
Autour du Salon, j’aurai eu le plaisir de rencontrer les férus de SFF de Québec, que je ne vois pas assez souvent (et certains que je voyais pour la première fois). Le plaisir, aussi, de traîner dans Québec: d’écumer les restos sur St-Jean, de satisfaire notamment mon éternel appétit pour la pizza (à la Pizzeria d’Youville, et plus tard à Pizza Mag, en revenant de Sept-Îles). J’étais logé dans une bonne auberge où le déjeuner était servi, ce qui m’a permis de commencer la journée du bon pied, en discutant avec Elisabeth Vonarburg ou François Lévesque, l’autre nouvel auteur abitibien d’Alire. On m’y proposait aussi un objet rare: un radio-réveil muni d’une télécommande et d’une prise à iPod, et dont l’interface était si mal conçu que je n’ai jamais compris comment ajuster l’alarme. J’étais trop épaté pour me sentir contrarié. Voilà: je fais ces tournées de promotion pour rencontrer des gens et faire face à de nouveaux défis.
Plutôt que de rentrer à Sherbrooke après le Salon, j’ai traîné encore à Québec et Lévis… et j’ai pu visiter les bureaux d’Alire. J’en ai été renversé: toutes les rumeurs sont vraies.
Sept-Îles
Nous nous sommes envolés pour Sept-Îles sans savoir si nous allions y atterrir: s’il y avait trop de brouillard à notre arrivée, nous devions rebrousser chemin vers Québec. Nous avons pu nous poser, heureusement, et j’ai alors découvert l’un des aspects sympathiques du Salon du livre de la Côte-Nord: les navettes. En tout temps, des bénévoles font le relais entre le cégep (où se tient le Salon), l’aéroport et les hôtels. Accueillants, les bénévoles, heureux de renseigner les visiteurs sur la ville et la région, et souvent prêts à faire des détours si on le leur demande. En arrivant, je trouvais à l’endroit un petit goût d’Abitibi: la taille de la ville, la forêt de conifères… l’impression pas désagréable d’être chez soi et dépaysé en même temps.
J’étais dans les contrastes: vaste paysage, petite ville, lit immense, petit stand au Salon. Ce qui est drôle avec le stand format réduit — à Sherbrooke aussi — c’est de voir les gens s’arrêter devant sans oser entrer, comme s’il existait une barrière invisible. La dynamique variait d’un jour à l’autre. Le samedi, il y avait foule, mais c’était une occasion sociale autant que littéraire: les gens croisaient des amis et restaient à discuter en petits groupes dans les allées. Trois séances de signatures par jour, matin, midi, et soir, et un soupçon de tourisme dans les interstices. Il fallait bien voir la baie et les sept îles, humer l’air, marcher le long des flots. Je ne suis pas souvent si près de la mer.
Pour cette première visite sur la Côte-Nord, je n’aurai pas fait la moitié de ce que j’aurais aimé faire, mais j’aurai au moins fait de bonnes rencontres, mangé de bons fruits de mer, et même survolé la ville en hélicoptère. Que les auteurs ici présents ne se fassent pas de faux espoirs: ce n’était pas offert par le salon, j’ai simplement eu la chance de connaître la bonne personne. C’était fascinant, tant le paysage que le vol lui-même, calme et stable et smooth, comme de flotter dans son fauteuil.

Mon salon retrouvé
Je me serai beaucoup promené pour la promotion d’Une fêlure au flanc du monde. Il me reste encore à visiter le Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue plus tard ce mois-ci, et tout semble indiquer que je ferai celui du Saguenay à l’automne. Les salons du livre en viennent à former un univers en soi: les tapis, le va-et-vient des visiteurs, le rituel de prise de possession de la table de signature, les inside jokes entre exposants, les occasionnels porte-noms en Comic Sans, les irréductibles qu’on retrouve pour une bière en fin de soirée à chacun des salons, les longues minutes d’attente et les bonnes conversations où l’on ne voit pas le temps passer…
Puis on rentre et on se remet au travail sur le prochain livre. J’ai dit au revoir à Sept-Îles, pris la route, vu défiler région après région et j’ai retrouvé mon manoir. La pelouse a eu le temps de verdir depuis mon départ, le garage devient rose dans le couchant, nos quelques braves tulipes négligées commencent à montrer leurs couleurs. Il faisait un temps tropical à mon retour, puis ça s’est corsé quelque peu… L’été s’annonce étrange, et ça me convient.

Oui, c’est une capture d’écran non modifiée.