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des histoires qui marchent

parce que l’écriture, c’est pas sorcier (sauf quand ça l’est)

classé sous: étude de cas, réflexions · 5 novembre 2007

Réadaptation d’un squelette

Ce billet a paru à l’origine sur le blogue Fractale Framboise et est reproduit ici à peu près tel quel (au plus, j’ai mis à jour certains liens ou corrigé une faute). Notez bien la date de publication ci-dessus: il se peut que certaines des informations présentées dans le texte ne soient plus très actuelles, même si le fond demeure pertinent.

Je la conterai sans doute encore, cette histoire; si vous préférez l’entendre un jour sans connaissances préalables, il vaut mieux que vous ne lisiez pas ce billet. Mais si le métier de conteur vous intéresse et si vous voulez savoir comment j’adapte une vieille histoire pour la conter, alors continuez…

Un homme ivre rentre chez lui la nuit après avoir bien arrosé, avec quelques amis, son mariage imminent. En chemin, il sursaute en apercevant un squelette: celui d’un condamné pendu à la merci des corbeaux, laissé là en guise d’exemple. Le squelette fait déjà partie du paysage mais le futur marié déteste le voir là, surtout cette nuit-là: il insulte la dépouille, la malmène et, par dérision, l’invite à ses noces.

Vous avez bien une idée de ce qui peut arriver ensuite…

J’avais lu cette histoire dans Il était quatre fois de Bertrand Bergeron, un ouvrage reproduisant telles quelles des paroles de quatre conteurs du Saguenay-Lac-St-Jean (Joseph Patry raconte celle du squelette). Je l’avais contée quelques fois sans reproduire tout à fait le plaisir que j’avais eu à la lire. Dans les rares cas où j’adapte un conte traditionnel, j’ai plusieurs préoccupations:

  • trouver ce qui me touche personnellement dans cette histoire, et accentuer ces aspects
  • adapter l’histoire à ma voix et trouver comment la dire avec des mots et des rythmes intéressants
  • respecter l’essence du matériel original.

Dans mes premières tentatives avec cette histoire, j’atteignais ce dernier but puisque je restais près du texte original. Ça allait moins bien pour le reste… pour la même raison. Ce que j’aime de la version de Patry, c’est que notre « héros », très saoûl, s’en prend à un squelette tout à fait inerte qui ne lui a rien fait, et il obtient exactement ce qu’il demande. Le squelette se présente à ses noces et comprend qu’on n’avait pas du tout l’intention de le recevoir; il invite alors le nouveau marié à une petite fête des damnés. L’homme y va, les damnés viennent danser, et l’homme risque d’être emporté aux enfers avec eux. Pas de demi-mesures, chaque geste a ses conséquences.

Ce qui marche moins bien, c’est la solution. Notre homme a fait une grosse bêtise, il doit trouver comment s’en sortir, et la solution lui est donnée sur un plateau d’argent sans réel effort de sa part. Après que le squelette l’ait invité à fêter, il consulte le curé qui lui dit d’apporter à la fête… un bébé, puisque les morts n’oseront pas mettre en danger une âme pure et innocente. Ça cloche un peu qu’un curé propose une utilisation si irresponsable d’un nouveau-né; ça cloche aussi que le nouveau marié arrive ensuite facilement à s’en faire prêter un, et c’est dommage parce que dès ce moment, il est hors de danger. Quand il arrive à la fête avec le bébé, les damnés ne peuvent rien faire sinon danser et l’inviter à abandonner le bébé pour se joindre à eux. L’homme tient bon, la nuit passe et il ne reste au squelette qu’à lui énoncer la morale de l’histoire avant de regagner sa potence.

Quand j’ai voulu raffiner cette année mon adaptation de cette histoire, je ne l’ai pas relue; je l’avais déjà assez racontée pour me souvenir de l’essentiel. J’ai plutôt rassemblé toutes les autres versions que j’ai pu trouver. Il faut comprendre qu’il n’y a pas de texte original: les contes traditionnels sont souvent assez vieux pour avoir été resservis à toutes les sauces sans qu’une version puisse être considérée comme canonique. La version Patry provient « des vieux pays », mais dans « L’hôte à Valiquet » (dans Forestiers et voyageurs de Joseph-Charles Taché, disponible en PDF), l’action se situe dans la paroisse des Écores sur la Rivière-des-Prairies, aux débuts du régime anglais. Dans cette version, ledit Valiquet invite le squelette à souper pour montrer qu’il n’a pas peur. Il est non pas nouveau marié mais nouveau père, et c’est sa femme qui lui dit d’emmener leur enfant avec lui au rendez-vous des morts. Et là où la version Patry finit avec une orgie d’effets spéciaux (le sol qui s’ouvre, les damnés enflammés qui dansent), « L’hôte à Valiquet » se termine quand le pendu, voyant Valiquet arriver avec l’enfant, abandonne la partie aussitôt sans même appeler ses copains pour la fête annoncée. C’est un dénouement qui revient souvent.

C’est qu’on trouve aussi bon nombre d’histoires apparentées et pourtant distinctes. Dans plusieurs versions, il n’y a pas de sinistre condamné, mais plutôt deux bons amis qui s’étaient promis d’être garçon d’honneur au mariage l’un de l’autre. L’un meurt trop tôt, l’autre se marie et, pour la forme, passe à la tombe de son ami l’inviter au mariage. Il se raconte aussi bon nombre d’histoires où un homme ayant invité un mort va ensuite visiter le mort chez lui (sous terre ou au paradis, c’est selon) puis rentre à la maison pour s’apercevoir que des siècles ont passé. Les versions s’entremêlent, combinant et recombinant tous ces éléments. J’aime particulièrement « Daniel Crowley and the Ghosts », où un fabricant de cercueils invite chez lui tous ses défunts clients qui viennent faire la fête avec force détails macabres et colorés (je ne mentionnerai que le violoneux qui, à défaut d’avoir apporté son instrument, joue en frottant ses côtes; je vous laisse découvrir le reste).

C’est finalement chez Anatole Le Braz que j’ai trouvé une partie de ma solution. Le Braz est connu surtout pour La Légende de la Mort, une collection fascinante d’histoires et coutumes bretonnes. On y trouve « Le pendu » qui combine le motif des garçons d’honneur et celui de la pendaison: l’un des deux amis se pend parce que l’autre va épouser la femme qu’il courtisaient tous deux. On établit vite que le survivant est un homme bon puisqu’il a accepté de devenir parrain d’un enfant bâtard. C’est ce beau geste qui le sauve à la fin – d’une manière différente mais tout aussi gratuite et facile que dans la version Patry avec laquelle j’avais commencé.

C’était tout de même la piste qu’il me fallait pour régler le cas du bébé. J’ai décidé d’ouvrir ma version avec un baptême où Rémi, un vaurien semi-réformé, devient parrain par pur altruisme (et parce que sa fiancée a insisté). Plus tard, après que le squelette l’ait invité, il consulte le curé qui lui dit de prier pour rendre à son âme la pureté nécessaire pour que les damnés l’épargnent. Est-ce que ça réussirait? J’en doute, mais Rémi se voit sauvé par la mère de son nouveau filleul quand elle lui offre l’enfant en guise de protection. La solution ne vient toujours pas de lui, mais elle est issue d’une de ses rares bonnes actions.

Reste le problème du danger, ou plutôt de l’absence de danger. Rémi va visiter le squelette, les damnés dansent tout autour mais ne peuvent rien contre lui. Il faut au moins faire croire que Rémi peut perdre le bébé, sinon il n’y aura aucune tension. Pour ce faire, j’ai combiné deux approches. D’abord, la musique des damnés est si entraînante que Rémi se surprend à vouloir danser (c’était ainsi dans ma première version; dans la nouvelle, l’effet en devient carrément hypnotisant). Mais surtout, dès son arrivée, Rémi reconnaît plusieurs des damnés, y retrouve des amis même. Ça rend sa situation plus poignante et ça l’incite encore plus à entrer dans la danse, si bien qu’il passe à un doigt d’abandonner l’enfant. C’est surtout cet ajout, je crois, qui m’a réconcilié avec cette histoire: ça permet certains de mes moments favoris.

Je viens de présenter la nouvelle version à deux reprises pour l’Halloween et si vous n’y étiez pas, j’espère bien avoir l’occasion de vous la conter un jour ou l’autre. Elle n’est pas encore parfaite mais ça va: je prends plaisir à la conter, et puis, les contes évoluent, ils ne sont jamais tout à fait figés. Après l’avoir écartée quelque temps, je peux enfin la ré-intégrer à mon répertoire. En attendant, si ça vous amuse, vous pouvez visionner un extrait d’un autre conte traditionnel que j’ai adapté, « Le chien noir de MacPhie ».

Une dernière note: je n’ai pas voulu alourdir ce texte en énumérant en détail toutes mes sources, mais n’hésitez pas à demander si vous voulez des hyperliens ou références bibliographiques pour l’une ou l’autre version.


[Ajout (2020-01-22): l’histoire ne se termine pas là… J’ai révalué ce conte depuis et j’en parle dans un nouveau billet où j’explore aussi l’adaptation d’un autre conte traditionnel.]

mots-clés: adaptation, conte, Fractale Framboise, réécriture

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